Enfants, premiers dans le coeur des parents

 

J’ai la chance de faire partie de ces enfants dont le papa ou la maman a toujours fait passer son bien propre bien après le sien. En effet, mes parents sont des gens qui par exemple se sont patiemment levés dans la nuit quand j’étais bébé (et sans rechigner), qui se sont occupés de moi quand j’étais malade, qui ont joué avec moi et m’ont appris des choses, qui plus tard se sont saignés pour financer les études qu’ils auraient pourtant rêvé de faire à ma place, qui aujourd’hui s’enthousiasment de mes visites et espèrent qu’elles se renouvellent à l’infini et au plus vite, qui se font (encore!^^) un sang d’encre et pleurent secrètement quand je les abandonne, qui sont toujours là pour moi (sans pour autant me fliquer, ni violer mon intimité, ni me faire du chantage aux sentiments).

 

Mon papa et ma maman ne m’ont jamais fait sentir que j’étais une gêne ou un poids pour eux. Au contraire : ils sont fiers de moi comme je suis fier d’eux. Je ne les ennuie pas du tout. Ils me donnent tout… et même ce qu’ils n’ont pas ! Ils ont toujours été prêts à sacrifier la dernière part de gâteau pour me la réserver, à aller me chercher où que je sois et jusqu’au bout de la nuit, à m’accueillir à bras ouverts à n’importe quel moment (même le moins pratique ou idéal pour eux). Ils sont prêts à mourir à ma place s’il le faut (et en parlant de mort, d’ailleurs, ils ne se forcent pas à penser que le pire drame dans leur vie serait qu’un de leurs enfants parte avant eux).

 

Ces marques de dévouement sont naturelles, évidentes pour eux. Ils ne se posent même pas la question de faire autrement. Mon bonheur fait le leur et passe avant le leur. Ils ne comptabilisent pas leurs efforts. C’est du pur don gratuit, sans rien attendre en retour, et sans recherche de possession ou de contrôle, sans dette par derrière.

 

Oui. Je mesure la chance d’avoir des parents viscéralement aimants et tout donnés.

 

Et je sais qu’à ce niveau-là, nous, humains, ne sommes pas tous égaux. Certains enfants ne sont pas assez aimés de leurs parents, ne sont pas leur priorité. Voire ces derniers leur font sentir qu’ils sont le boulet ou le drame de leur vie. J’ai connu un gars homo (qui s’appelle Philippe, comme moi, d’ailleurs) que l’abandon et la pingrerie parentale plongeaient dans des abysses de tristesse et même des pensées suicidaires. Ça pouvait se cristalliser sur des apparents « détails » : ses parents – pourtant de classe moyenne – partaient en vacances sans lui et le laissaient seul dans la maison familiale avec le chien, ils ne faisaient même pas les courses pour lui et ne lui remplissaient même pas le frigo, ils ne se souciaient pas de savoir s’il manquait de quelque chose, ils ne l’appelaient jamais par téléphone, ils comptabilisaient leurs moindres efforts, ils lui préféraient largement son frère aîné, etc. Et même si Philippe, cyniquement, disait qu’il s’en foutait et qu’il s’était habitué à cette maltraitance affective, je voyais bien que son coeur était profondément meurtri, et que le pauvre fils délaissé se laissait mourir comme ses parents le laissaient mourir.

 

C’est existentiel : nous, enfants, avons besoin d’être les préférés de nos parents. Les premiers. C’est ainsi. Non par égotisme mais parce que la place de premiers nous revient DE FAIT. Et je ressens une profonde empathie pour tous les enfants qui n’ont pas été aimés, élevés et accompagnés dans l’Amour parental. Qui n’ont pas été les rois de leurs parents.

 

Et pour conclure cette petite pensée libre du matin par une note d’Espérance, j’ai envie de citer cette phrase de Thierry Bizot (homme de télé qui s’est converti au catholicisme sur le tard) : en connaissant l’Église et l’existence de Dieu, on découvre ses deuxièmes parents. Et que si on a été humainement et terrestrement orphelin, la Foi nous donne à tous d’autres parents (non moins réels et non-opposés à nos parents géniteurs), nous restaure dans une nouvelle adoption et filiation. Croire en Dieu le Père, c’est ne plus jamais se sentir orphelin, abandonné, seul ni mal-aimé.